Les dangers du Yoga  

Le yoga : une religion?

par Florent Varak

 

 

Le yoga semble offrir tout ce que l'homme occidental recherche. Le corps, rouillant sur les chaises de bureau trop longtemps fréquentées, trouve ainsi le moyen de s'assouplir, de s'exprimer. La tête, obscurcie de chiffres et de soucis, est gentiment vidée de ses impuretés. Pour beaucoup, le yoga est une source de détente équivalente à un sport ou un loisir. Mais est-ce uniquement le cas ?

Les auteurs d'ouvrages sur le yoga montrent que cette technique n'est pas purement physique. Elle relève d'une conception théologique du monde où les postures sont à la fois représentation d'une réalité théologique et véhicule d'une puissance spirituelle. Le yoga est de nature religieuse. Une religion est un «ensemble d'actes rituels liés à la conception d'un domaine sacré distinct du profane et destinés à mettre l'âme humaine en rapport avec Dieu» ; un «système de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur et propre à un groupe social». Ainsi, nous sommes en présence d'une religion lorsque les caractéristiques suivantes sont présentes :

1) L'homme est considéré comme une entité spirituelle

2) L'homme a accès à une dimension spirituelle

3) Il existe une méthode pour parvenir à cette dimension.

Un mouvement révèle sa nature lorsque son historique témoigne d'une recherche spirituelle, lorsque sa conception du monde affirme l'existence d'un monde spirituel, lorsque ses objectifs s'appliquent à faire passer l'homme dans des sphères spirituelles et lorsqu'il propose à ses adhérents des gestes propres à éveiller une conscience spirituelle. C'est précisément le cas du YOGA !

 

ORIGINES DU YOGA

Le yoga classique indien provient d'un texte attribué à patanjali dont on connaît peu de choses. Il aurait vécu au Pendjab au IVe siècle avant notre ère (1). Le texte de Patanjali est une collection de maximes écrites en sanscrit du nom de yoga-Sûtras («aphorismes sur le yoga» (2). Ces courtes phrases sont difficilement compréhensibles ; elles sont mémorisées par l'étudiant, puis commentées par des spécialistes dans les ashrams. Patanjali enseignait le Râja-yoga (yoga royal). Le terme yoga (litt. «Joug», «attelage» (3) évoque la recherche de l'union entre le soi (atman) et l'Absolu (brahman).

Selon les époques et selon les ashrams, les philosophies comme les pratiques ont varié. Jean Varenne résume ainsi les développements historiques du yoga :

 

«...le yoga hindou n'est qu'un aspect particulier de tout un ensemble de pratiques et de doctrines diffusées dans le monde au début de l'âge des métaux ; visant au salut individuel (et non plus collectif) par l'apprentissage d'une vérité intime (et non plus extérieure) acquise grâce à des prouesses corporelles et mentales, elles ont en commun la mise en avant de la volonté comme facteur essentiel (mais non unique) de progrès spirituel...

A une date plus récente (du IV e s. av.JC. au VI e s. après)... sont décrites des pratiques héroïques ou spectaculaires (postures acrobatiques, manifestation de pouvoirs surnaturels, pénitences extraordinaires, suicides publics) ordonnées cependant à la poursuite d'un but spirituel qui seul les distingue des tours accomplis par les magiciens de foire.

Plus tard encore, lorsque l'islam et le christianisme s'implantent en Inde, le Yoga, tout en gardant sa spécificité (et notamment son caractère spectaculaire), tend à se spiritualiser : la recherche des pouvoirs magiques, pourtant cautionnée par Patanjali (le chapitre III des Yoga Sûtras leur est consacré), passe au second plan ;... L'accent est mis alors sur l'enseignement métaphysique (ou religieux, selon certaines écoles), comme on le voit par exemple dans l'oeuvre de maîtres contemporains tels que Vivékânanda ou Aurobindo » (4).

Ainsi, dès sa création, le yoga était une quête spirituelle.

 

CONCEPTION DU MONDE POUR LE YOGA

Le yoga part de l'idée que tout est souffrance dont il faut être délivré. Cette douleur provient de la «séparation d'avec l'essence(l'Absolu, le brahman) : l'«âme» individuelle (en sanskrit atman) qui n'est pas différente de cet Absolu, mais qui, traduite par le poids des actes accomplis dans les existences antérieures (karman) à s'incarner dans un corps vivant, souffre de cette condition déchue et aspire à retourner se fondre dans le principe universel dont elle est issue» (5).

Cette libération est favorisée par la pratique du Hatha-yoga (technique tirée du Yoga royal). cette pratique associe exercices physiques (Âsana) et  exercices respiratoires (Prânâyâma). C'est essentiellement cette technique qui est pratiquée en occident. Selon le Dictionnaire de la sagesse orientale, le yoga «cherche à montrer la voie pratique qui mène au salut et à la délivrance par l'activité disciplinée». Nous lisons également :

 

«Le but de l'exercice est de réunir Ha (le souffle solaire connu sous le nom de Prana) et Tha (le souffle lunaire ou Apana), ce qui confère des pouvoirs spirituels au Hatha-Yogi(i.e., le pratiquant) et permet à la Kundalini de commencer à gravir les six chakras. Le Hata-Yoga enseigne différentes postures physiques et différents exercices de purification» (6).

 

Selon l'hindouisme, remarque Mircea Eliade, la vie humaine est transcendantale et cyclique, d'où vient la doctrine de la réincarnation. Elle est pleine de douleurs et de chagrins qui sont à la base de la condition de l'homme. Le but du yogi est de se retirer de ce cycle douloureux de la mort et d'atteindre l'immortalité. Cette libération (salut) est entraîné par la mort de la propre humanité en devenant un avec l'absolu. Ainsi, il devient un «jîvanmukta», c'est-à-dire «délivré de son vivant». A travers le yoga un homme profane peut devenir sacré ou divin.(7)

Il est difficile d'échapper à la conclusion que la pratique du yoga illustre une conception éminemment religieuse du monde.

 

OBJECTIF DU YOGA

Le meilleur moyen de comprendre l'objectif du yoga est de lire ce qu'en disent trois experts sur le sujet. Jean de Varenne écrit :

 

«La tradition indienne, tant hindoue que bouddhique, désigne sous la forme de yoga (action d'atteler, de maîtriser, de dompter) une technique de salut originale qui se propose de libérer l'âme de sa condition  charnelle par l'exercice de disciplines psychiques et corporelles. Le point de départ en est la croyance en l'existence, en chaque individu, d'un principe éternel (atman, âme) identique à l'Esprit universel (purusa, ou brahman) ; cette essence est en quelque sorte exilée dans le monde de l'existence où elle est condamnée à se réincarner indéfiniment, passant de corps en corps à la manière d'un oiseau migrateur (hamsa, oie sauvage)» (8).

 

Il ajoute que le yoga est «un ensemble d'exercices physiques et corporels orientés vers l'obtention d'un bien spirituel (...), le yoga est aussi une alchimie, puisqu'il se propose de transmuer l'individu afin de lui permettre de sortir du monde phénoménal, de quitter la multiplicité existentielle pour atteindre l'Unité essentielle et de se fondre avec elle».(9)

Ysé Tardan-Masquelier, président de la Fédération Française du Yoga, décrit ainsi l'objectif du yoga :

 

«Le Hatha-Yoga se donne pour but... la réintégration de l'individu dans une totalité plus vaste, de nature divine, constituée de deux grands pôles universels, que la mythologie figure sous les aspects de Shiva et de Shakti» (10).

 

Terminons avec la citation d'un yogi, reprise par un moine bénédictin :

 

«Sa fin ultime, son vrai but est de préparer l'homme à acquérir cette quiétude de l'esprit nécessaire à la réalisation du Suprême, ou conscience du Divin» (11).

 

Il est évident que le yoga a un objectif religieux. Ce n'est pas seulement un série de gestes innocents. Ils sont pédagogiques (et opérants! ) en vue d'une transformation spirituelle de l'être.

 

PRATIQUE DU YOGA

Comme nous l'avons vu, le yoga est religieux. Pour des raisons obscures, les professeurs occidentaux de yoga voilent cette réalité à leurs étudiants. En décrivant leurs pratiques, ils révèlent pourtant ce côté religieux.

 

Ysé Tardan-Masquelier évoque la «sacralisation du souffle comme le symbole de l'élan vital, de la conscience lumineuse et, éventuellement, d'un don divin : à l'enseignant de savoir susciter cette dimension en conservant à chaque élève son espace de liberté».(12) Il écrit par ailleurs :

 

«Le yoga n'a jamais été conçu seulement comme une discipline de mieux-être dans la vie actuelle, mais comme un mode de transformation si radical que ses effets se répercutent sur l'après-vie» (13)

 

Jean Varenne commente ainsi les phases d'un cours :

 

«Ces différentes étapes ne se comprennent que par référence à la doctrine du corps «subtil» qui, chez chacun d'entre nous, double le corps «grossier» seul accessible aux sens. ainsi, la tenue du souffle, ou pranayama, sert-elle à permettre au prana (souffle inspiré) d'atteindre un Centre (chakra, roue) situé à la base du corps subtil. Là gît une Puissance qui, chez l'homme ordinaire, n'est que virtuelle (on la compare à un serpent femelle endormi). Réalisée par le yoga (éveillée par le souffle), cette Puissance (on l'appellera Kundalini, l'Enroulée) s'activera et , guidée par la pensée durant les exercices de méditation, montera progressivement, de chakra en chakra, jusqu'au sommet du corps subtil où elle s'unira à l'âme (atman est un mot masculin) : les noces de l'atman et de la Kundalini, comparées à celles de Shiva (Siva) et de sa parèdre Pârvatî, provoquent une véritable transmutation alchimique de l'individu, que l'on, qualifie dès lors de jivan-mutka (délivré-vivant)» (14)

 

On ne pourra jamais séparer la pratique du yoga de la théologie» à laquelle elle est liée; En quelque sorte, le hatha-yoga offre à l'hindouisme ce que les sacrements offrent au catholicisme. Ils sont les rites initiatiques et opérants de privilèges spirituels.

DANGERS DU YOGA

De l'aveu même des praticiens, le yoga n'est pas sans danger. Mircea Eliade évoque les «troubles auxquels certaines techniques exposent l'amateur imprudent, nous pensons surtout à celle de «l'érotisme mystique» (15). Ysé Tardan-Masquelier parle de «graves dissociations», conduisant parfois à la folie. D'où la présence indispensable d'un très bon gourou, ayant déjà maîtrisé ces expériences et vivant dans un esprit de parfaite cohésion» (16). Il ajoute :

 

«Dans la  concentration et surtout dans la méditation, le pratiquant est donc très vulnérable, car sa présence à lui-même est toute d'acceptation : il n'a pas perdu son jugement qu'il retrouvera d'ailleurs clarifié et affermi, mais il l'a  levé, suspendu, pour entrer plus profondément en lui-même et, si telle est sa forme de spiritualité, en contact avec une puissance divine. On imagine bien à quels excès des instructeurs à tendance paranoïaque, se sentant investis d'une mission urgente pour le monde, peuvent se livrer... le lâcher-prise obtenu par des exercices classiques et irréprochables se trouve exploité, parfois, dans le sens d'un véritable «viol» psychique, (...) où les  préceptes inoculés dans ces moments de totale réceptivité, atteignent l'inconscient et y laissent des traces indélébiles» (17).

 

Si, selon Saravasti, le yoga est «l'annihilation de toutes les fonctions du mental, l'art de vider son mental et d'en faire un feuillet blanc»(18), on entre dans  un terrain glissant. Il devient facile à un enseignant, terrestre ou angélique, d'écrire à sa guise les «vérités» spirituelles qui contrôleront la vie de celui qui pratique le yoga.

UN CHRETIEN PEUT-IL PRATIQUER LE YOGA ?

Deux raisons exigent une réponse négative.

Tout d'abord, nul ne peut fléchir le genou devant une statue «innocemment», c'est-à-dire sans détrôner Celui qui est le Seigneur. Pareillement, rechercher ce que Ysé Tardan-Masquelier nomme le «Grand Suprême» (19) par le Yoga revient à dire que la révélation, la Parole, est insuffisante.

Deuxièmement, un geste est un témoignage public. Un chrétien faisant du yoga enseigne qu'il existe d'autres chemins de libération que Jésus-Christ.

C'est probablement ce qui explique la présence dans la loi de commandements comme «Vous ne couperez pas en rond les bords de votre chevelure. Tu ne raseras pas les bords de ta barbe» (Lév.19:27). Ce n'est pas que ces gestes étaient mauvais en eux-mêmes, mais ils étaient des rites païens que les Israélites ne devaient pas imiter. Il en va de même avec les postures du yoga.

 

J'invite le lecteur à méditer 2 Corinthiens 6:11-7:1 pour conclure cette brève étude.

Florent Varak

 

 


 

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